lundi 9 mai 2011

Les tortues de la Maamora


Autre texte pour enfants n'ayant pas encore trouvé preneur au Maroc : Les tortues de la Maamora.
La Maamora est l'immense forêt qui s'étend de Kénitra à Rabat. Essentiellement boisée de chênes lièges que l'on exploite toujours, toute une faune y séjourne. A cause de sa surexploitation par les hommes, elle est aujourd'hui menacée.
J'y vais souvent avec ma petite famille, principalement à la saison des cèpes. A chaque fois, nous rencontrons des tortues, les mêmes que celles vendues à la médina. J'en possède aussi quelques unes dans mon jardin, je l'avoue honteusement. Au fil des années et de ces ballades, je vois cette magnifique forêt se dégrader, disparaître.
Le texte tente de faire prendre conscience au jeune lecteur de la fragilité de cet écosystème unique au Maroc. L'intrigue est une variante (mais selon moi plus crédible que l'original ) d'un conte russe : La petite poule rousse. Je le verrais bien publié avec l'aide d'associations marocaines de protection de la nature ou du ministère marocain de l'environnement. Avis aux amateurs.
Ce texte a été déposé au SACD.


Les tortues de la Mamora.
Page1 :
Il était une fois une tortue qui vivait dans le jardin d’une luxueuse villa de Rabat. Elle se nourrissait essentiellement de fleurs de hibiscus tombant toute l’année de l’une des haies. L’animal était arrivé là bébé. Avec le temps, elle avait tout oublié de son enfance. Elle s’interrogeait souvent sur ce qui se trouvait derrière le haut mur d’enceinte. Sa solitude était grande, aucun autre congénère ne partageait avec elle la petite pelouse parfaitement entretenue. Sa seule distraction était une petite fille de la maison qui venait tous les jours lui rendre visite. Soit pour lui parler, soit pour lui apporter une friandise : tranche de tomate ou feuille de salade. Les humains l’avaient appelée Caroline.
Page 2 :
Un jour, les habitants de la maison déménagèrent. Ils retournaient en Europe. Les tortues étant protégées, ils ne pouvaient l’emporter avec eux. Ils avaient décidé de la laisser au Maroc. Le lendemain, ils iraient la lâcher dans la forêt de la Mamora, immense étendue de chênes lièges entourant la capitale marocaine. La petite fille, née à Rabat, était très triste de se séparer de Caroline qu’elle connaissait depuis sa naissance. L’animal était à la fois excité de partir, mais aussi inquiet de ce qu’elle allait trouver ailleurs.
Page 3 :
L’homme déposa délicatement la tortue sur l’herbe. Caroline entendait la petite fille pleurer derrière elle. Elle n’osait pas sortir de sa carapace. Elle se décida bientôt. L’herbe autour d’elle était plus haute et moins verte que celle de la pelouse du jardin. Le ciel nuageux était ici occupé par les feuillages d’arbres étranges dont l’écorce semblait avoir été arrachée. Des odeurs inconnues et fortes lui parvenaient. L’animal se mit à avancer. Elle entendit bientôt derrière elle la voiture qui l’avait amenée ici repartir. Elle s’engagea dans un petit sentier serpentant entre les broussailles. Dans son souvenir, elle n’avait jamais parcouru une telle distance en ligne droite. Elle vit bientôt au loin l’un de ses congénères.
Page 4 :
La tortue en question était âgée et avançait à un rythme lent. Caroline réussit à la rattraper en quelques dizaines de mètres.
« Madame, madame, pourriez vous me dire où nous nous trouvons ? »
La vieille tortue un peu sourde se retourna pour voir qui l’interpelait :
« Tout d’abord, moi c’est monsieur et mon nom est Foukroun ! C’est ce que disent les petits humains chaque fois qu’ils me voient ! Etant donnée ma taille, tu comprends que je ne passe pas inaperçu ! Oh, mais je ne te connais pas ! Qui es-tu ? »

Page 5

La jeune tortue se présenta et raconta alors toute son histoire. Après quelques instants de réflexion, Foukroun s’adressa à la jeune tortue
« Il existe tout prêt d’ici un coin de forêt qui vient d’être laissé vacant par une vieille amie. Elle vient de mourir, à 70 ans. Tu pourrais t’y installer. Je vais t’y amener. En chemin, je vais t’apprendre tout ce que tu dois savoir pour survivre dans cette forêt ! Tu as de la chance, je suis la plus vieille tortue de la forêt. Mon grand âge et mon intérêt pour les choses font que je suis un peu considéré comme la mémoire de cette forêt. »

Pages 6 et 7 :
« Tu te trouves dans la forêt de la Mamora, Caroline. Sa surface est énorme *. Elle est essentiellement couverte de chênes lièges mais on y trouve aussi des eucalyptus *, des pins, des acacias et des poiriers sauvages qui poussent rapidement grâce à l’humidité de l’Océan Atlantique proche. Les hommes utilisent ces chênes pour leur écorce, le liège*. Le décollement de l’écorce (démasclage) commence lorsque l’arbre a 27 ans puis se répète tous les 9 ans. Les hommes mangent aussi les glands et cassent des branches pour du bois de feu. Un peu trop d’ailleurs, la forêt souffre de la présence humaine. L’espace entre les arbres est parcouru par de nombreux troupeaux qui empêchent de jeunes pousses d’apparaître. Le dimanche, de nombreux habitants de Rabat viennent pique-niquer dans la forêt et laissent derrière eux tous leurs déchets. »
(1) 100 000 ha
(2) Les eucalyptus alimentent une usine de cellulose et de pâte à papier de Sidi Yahya du Rharb, toute proche.
(3) Explications sur le liège.

Illustration : Les deux tortues qui avancent sur le chemin. Le décor présente tout ce dont a parlé Foukroun.

Pages 8 et 9 : Présentation de la faune de la forêt.
« Il n’y a pas que des tortues et des troupeaux dans cette forêt… »
Idem pour l’illustration.
Pages 10 et 11: Présentation de la vie des tortues dans la forêt et de l’espèce en question tortudo graeca. Présentation en différents points avec une illustration à chaque fois.
Page 12 :
Les deux tortues arrivèrent devant un grand creux de terre. Foukroun stoppe sa marche et dit, en désignant la clairière de sa patte griffue et couverte d’écailles :
« L’endroit où tu peux t’installer se trouve de l’autre côté de ce daya. Je te quitte, j’ai rendez-vous. Je reviendrai te voir et tu me parleras de ton expérience de la ville. »
La vieille tortue s’éloigne, laissant Caroline seule. Après être passée au milieu d’épaisses broussailles, elle retrouve bientôt deux autres tortues au pied d’un vieux chêne. Bizarrement, elles ont trouvé refuge sous une racine. L’une d’elle regarde le ciel, l’air inquiet.

Page 13 :
Alors que Foukroun s’approche, des gouttes de pluie commencent à tomber et le tonnerre se fait soudain entendre. L’une des tortues dit à Foukroun : « Dépêche-toi ! L’orage qui commence risque d’être très violent ! »
La vieille tortue s’arrête soudain en disant : « Zut ! Caroline doit en se moment même être en train de traverser le daya à sec. Dans quelques minutes, le lac temporaire va se remplir et elle risque de se noyer ! Il faut que j’aille la prévenir. »
Sous les yeux stupéfaits de ses deux amis, la vieille tortue rebrousse chemin et s’enfonce dans l’averse.

Page 14 :
Caroline débutait sa marche au travers de l’étendue de terre craquelée lorsque les premières gouttes tombèrent. Une pluie drue tomba d’un coup, lorsque des éclairs zébrèrent le ciel tourmenté. La tortue accéléra. Les flaques qui apparaissaient autour d’elle, ne cessaient de grossir. Elle comprit soudain que l’endroit en creux allait bientôt être rempli d’eau et qu’elle risquait de se noyer. Elle se retourna pour constater, horrifiée, que le retour vers la berge était devenu impossible. Caroline était sur le point d’abandonner lorsqu’elle pensa à l’arbre couché et mort qu’elle avait vu auparavant au milieu de la clairirère. Elle avança vers le centre du daya le plus rapidement possible.
Page 15 :
On aurait pu croire qu’une cistude, tortue aquatique, s’était installée dans le petit lac temporaire. Non, ce n’était que Caroline qui prenait son mal en patience. Une semaine qu’elle attendait là, sur son île en bois. Avec le soleil et le vent, le niveau baissait lentement. D’autres fronts nuageux étaient passés au dessus d’elle, lui faisant craindre une nouvelle averse, mais il n’en fut rien. Les seuls déplacements de l’animal à sang froid consistaient à orienter son corps vers le soleil. Elle avait faim et se sentait seule. Parfois, une huppe curieuse venait lui rendre visite. Elle s’inquiétait de voir des rapaces planant dans le ciel. Elle redoutait qu’un humain amenant son troupeau s’abreuver la remarque depuis la berge. Elle regrettait son jardin.
Page 16 :
Puis, un jour, un corridor de terre allant de l’arbre à la berge, fit son apparition en surface de la mare diminuant de taille avec le temps. Caroline attendit encore un demie journée que la boue sur le passage durcisse puis s’y aventura. Un comité de cinq tortues l’attendait sur la berge. A peine, avait-elle mis le pied sur la berge que quatre d’entre elles vinrent l’encercler. La dernière s’adressa alors à Caroline sur un ton solennel.
« Sache, tortue étrangère, que Foukroun, la mémoire de notre peuple, a disparu. La dernière fois que l’une d’entre nous l’a vu, il partait sous la pluie te prévenir du risque de traverser le daya alors que la pluie commençait à tomber. Nous pensons qu’il est mort noyé en essayant de te sauver et nous t’accusons de négligence. Le tribunal des tortues va te juger. Suis nous ! »

Page 17 :
Encadrée par ses quatre gardiens, Caroline regrettait maintenant son petit jardin dans la ville.
Plus d’une cinquantaine de tortues de ce coin de la forêt s’était donné rendez vous dans une petite carrière. Elles encerclaient la pauvre Caroline qui était attristée d’apprendre que le vieux Foukroun était sans doute mort par sa faute. Elle tentait de se faire entendre en disant qu’elle ne connaissait auparavant pas ces dayas. La tension dans l’assemblée était à son comble, les esprits étaient échauffés : « L’étrangère nous a apporté le malheur. Qu’elle s’en aille loin d’ici ! » « Ce serait trop facile ! Qu’on la retourne sur le dos dans un creux et qu’on la laisse ainsi jusqu’à ce que mort s’en suive ! » Le président tentait de calmer tout le monde en rappelant que dans quelques jours, lorsque le daya serait de nouveau à sec, on saurait si Foukroun était bien mort noyé. Une ombre vint soudain recouvrir l’assemblée.

Page 18 :
Un homme venait de faire irruption et n’en croyait pas ses yeux. Toutes ces tortues regroupées à un même endroit alors qu’il mettait habituellement des heures pour n’en récolter qu’une dizaine. L’homme était à ses heures perdues chasseur de tortues. Comme de nombreux autres, il irait ensuite les vendre chez un grossiste d’animaux dans la médina de la capitale. On les retrouverait ensuite entassées dans des cages sur les lieux touristiques, avec des caméléons et des écureuils d’arganier, avec un taux de mortalité effroyable. Une fois achetées, elles se retrouveraient en Europe où elles ne survivent en général pas. Cette affreuse vérité, aucune tortue de la forêt n’en avait connaissance.

L’homme sortit un grand sac en toile et y entassa toutes les tortues présentes. Aucune n’y échappa. Il repartit en sifflotant, heureux que sa journée se termine si tôt.

Page 19 :
Alors qu’il approchait d’un village à l’orée de la forêt, l’homme décida de profiter de son avance pour faire un somme. Près d’un champ, il posa le sac sur le sol et s’adossa à un tronc pour s’endormir. Dans le sac, les tortues étaient entassées les unes sur les autres. Depuis l’intérieur de leur carapace, toutes se lamentaient sur leur sort dans l’obscurité du sac. Aucune n’avaient encore sorti sa tête. Le président du tribunal demanda soudain le silence. Il demanda alors solennellement si quelqu’une avait une idée pour sortir de ce piège. Une petite voix se fit entendre vers l’ouverture du sac, celle de Caroline.

Page 20 :
Dans l’obscurité poussiéreuse, la petite tortue essaya d’être la plus concise et précise possible.
« Je suis tout prêt de l’ouverture du sac. Elle est fermée par une ficelle et un nœud que je connais bien pour avoir vu ma petite maitresse faire et défaire les lacets de ses chaussures. Il y a devant moi une petite ouverture dans la toile où je peux passer mon bec et défaire le nœud. Ensuite, il faut que l’une après l’autre vous sortiez. Je vois d’ici un tas de galets tout près, au coin du champ. Pour avoir une chance de ne pas être reprise, je vous conseille en sortant du sac d’aller à plusieurs chercher de ces pierres rondes pour remplacer chacune d’entre vous dans le sac. Pour ma part, je me suis rendu compte que la vie dans la nature n’était pas pour moi. Je vous propose de rester dans le sac. Lorsque vous serez partis, je bougerai au milieu des cailloux pour faire illusion auprès de l’humain. Avec vos vitesses d’escargot, je vous conseille d’aller vous cacher derrière le tronc d’arbre et d’attendre le départ de l’humain pour rejoindre la forêt. »

Page 21 :
Le plan se déroula comme prévu. Depuis l’arrière de l’arbre, les tortues virent bientôt l’homme s’éloigner, son lourd sac sur le dos. A l’intérieur, Caroline se débattait et donnait effectivement l’impression que le sac était rempli de tortues. Ils ne pouvaient s’empêcher d’imaginer la réaction de l’humain lorsqu’il trouverait la petite tortue au milieu des cailloux. Même en passant ce premier obstacle, elles redoutaient ce qu’allait trouver Caroline au bout de son voyage. Le groupe repartit dans le silence vers son territoire. Le président du tribunal devançait les autres tortues pensives et mal à l’aise. Au détour d’un virage, il poussa soudain un cri.

Page 22 :
Devant eux, au détour du sentier, ils virent apparaître Foukroun. La vieille tortue était couverte de terre et semblait épuisée. Elle raconta aussitôt ce qui lui était arrivé. En se précipitant sous la pluie vers le daya, elle avait voulu prendre un raccourci et était tombée dans le trou créé par un arbre récemment déraciné. Elle avait atterri au fond, ventre en l’air. Elle avait mis plusieurs jours pour se retourner puis ensuite plusieurs autres pour s’extraire du trou. Elle venait d’en sortir seulement il y a quelques heures. Elle raconta que son premier réflexe avait été de voir si la nouvelle tortue si gentille était sortie vivante de l’inondation. Elle avait fait le tour du lac et, soulagée, n’avait rien vu dans les flaques. Foukroun demanda alors aux siens si ils savaient où se trouvait la petite tortue des villes. Toutes, sans exception, baissèrent alors la tête.
Page 23 :
Epilogue :
Ballotée dans le sac au milieu des pierres, Caroline commençait à faiblir. Epuisée, elle se recroquevilla bientôt dans sa carapace. Ne sentant plus aucun mouvement dans son sac, l’homme stoppa soudain sa marche en bord de route. Il posa le sac sur l’accotement et l’ouvrit. Il fut très surpris de ce qu’il y découvrit. D’un coup de pied rageur, il renversa le sac. Un concurrent avait dû profiter de son sommeil pour lui dérober son butin, pensa-t-il. Il s’éloigna en laissant derrière lui le tas de galets et Caroline. La petite tortue n’en croyait pas ses yeux, elle était libre. Une forêt de chênes lièges se trouvait devant elle. Une nouvelle vie commençait.

Sahra mon amour


Très beau spectacle avec des membres des Tueurs...


Mercredi 11 mai, 20:00
 
Villa des Arts, Rabat, dans le cadre du festival Théarts
 
Sahra mon amour/ création compagnie Kaktus 2010
spectcale théâtre/danse/musique
 D'après des textes de Jean Marie Gustave Le Clézio
 
 
 …Trois femmes, trois destins.... Kalima quitte le Maroc et sa ville Tanger pour tenter une nouvelle vie en France. Elle se heurte à l’indifférence, à la violence, à la soumission. Lalla Hawa quitte un bidonville du sud du Maroc pour partir avec sa tante en France. C’est en marchant dans les ruelles de Marseille qu’elle découvre ce que cachent les murs des villes - la misère , la faim de la vie et de l’amour, la solitude. Naja Naja est une femme de l’irréel qui voyage dans le réel. Elle nous emmène vers notre propre monde pour le redécouvrir, autrement, un monde de poésie et de beauté. Sahra mon amour présente, à travers une légère adaptation, trois textes de J.M.G Le Clézio qui explorent un monde de femmes prises au piège. Entre le fardeau des souvenirs et le poids de l’exil, les trois protagonistes doivent affronter leur solitude. Fuyant le sud, son désert et son vent « Harmattan », elles se retrouvent face à un autre désert nordique plus violent et moins humain. Un désert peuplé d’hommes, de rats, de blattes, de voitures, de maquereaux, de papiers ; un trou sans lumière qui s’étend sur de vastes territoires, un enfer des temps modernes. Armées du silence, de la joie de vivre et de la mort, elle parviennent, toutes les trois, à dresser ce nouvel espace et à l’humaniser. Sahra mon amour est une épopée sans fin. Une épopée écrite par des femmes au destin commun, qui se croisent sans échanger un seul mot parce que tout a été dit, parce que le chemin de leur désert est clair, il suffit de le suivre en silence.
 
ConceptionAicha AYOUB et Kimberly JEITZ
Mise en Scène Ghassan EL HAKIM 
Assistant mise en scène Abderrahmane Madane 
Avec Aicha AYOUB, Kimberly JEITZ, Naima FERRE 
Musique Karim SOUSSAN et Singhkéo PANYA 
Scénographie Tarik RIBH 
Costumes Sabine PICCINI Nora ISMAIL 
Chorégraphie Naïma FERRE

Le chien des Oudayas


Voici le texte d'un livre pour enfants qui n'a pas été retenu par mon éditrice habituelle. Son titre : Le chien des Oudayas.
Je le publie ici, en espérant qu'un éditeur croisera un jour cette page et lui trouvera suffisamment de qualités pour le publier.
Tout le monde connaît la légende du Chat des Oudayas (que je reprends dans le texte. Pour ceux qui ne connaissent pas...). Le livre permet au jeune lecteur de découvrir ce fantastique site de Rabat. La fin fait penser au Roman de Renart. C'est sans doute le mélange BD-livre jeunesse classique et le contenu un peu morbide des dernières pages qui font qu'il n'a pas été retenu. A vous de juger !
Ce texte a été déposé au SACD.


LE CHIEN DES OUDAYAS.

Page 1 (recto):
Texte : Le luxueux hôtel dominait l’oued Bouregreg. Dans le hall, un Européen revenait d’une longue promenade avec son chien dans la médina rabatie proche. Il se dirigea vers le bar pour prendre place à une table donnant sur les remparts de Salé. Il commanda un rafraichissement.
Le chien aussi avait soif, mais ne réussissait pas à le faire comprendre à son maitre fatigué.

Page 2 (verso) :
Texte : L’animal  profita d’un moment d’inattention de son propriétaire pour s’éloigner. A la sortie de l’hôtel, il descendit vers les quais et vint boire dans l’oued. Ne retrouvant pas son chemin, il se laissa emporter par le flot de promeneurs jusqu’à la Kasbah des Oudayas.

Page 3 (recto) :
Texte : Il visita tout d’abord le jardin des Andalous. Il trouva l’endroit joli et calme mais fut gêné par la présence de nombreux chats. Il avait horreur de ces animaux. En général, à son passage, après le feulement d’usage, ils détalaient pour se réfugier en hauteur. Il y en avait de toutes les couleurs, certains étaient bien gras, d’autres horriblement maigres, la plupart était de races indéfinies.

Page 4 (verso) :
Texte : Puis ce fût le café maure. Très belle vue, un endroit où les humains semblaient se sentir bien, pensa-t-il. Il regretta  de nouveau l’omniprésence d’innombrables matous. Il se fit la remarque que durant sa ballade du matin avec son maitre, il n’avait vu aucun chien et beaucoup de chats. Drôle de pays, pensa-t-il.

Page 5 (recto) :
Texte : Le chien remonta ensuite le rue Bazou. Il sentait bien que sa visite ne passait pas inaperçue auprès des chats présents en nombre sur les terrasses le surplombant. Des miaulements le précédaient. La nouvelle de sa présence  se répandait comme une trainée de poudre dans toute la kasbah. Ils allaient voir, ces maudites boules de poils, de quel bois il se chauffait s’ils osaient l’attaquer, même à plusieurs, pensa-t-il.

Page 6 (verso) :
Texte : Il déboucha bientôt sur la rue principale et suivit un groupe de touristes. Il lui semblait avoir vu l’un d’eux à l’hôtel. Il suffisait donc de le suivre pour rejoindre son maître. Des odeurs de kefta grillée lui rappelèrent qu’il n’avait rien mangé depuis ce matin.

Page 7 (recto) :
Texte : Sous un signe de leur guide, le groupe s’arrêta devant un zellige en hauteur représentant un chat jaune sur fond bleu. Le chien fit de même. Le jeune Marocain commença son explication. 

Page 8 (Verso ) : Deux illustrations, dans le style illustration de conte du moyen âge (miniature), illustrant la légende.
Texte :
« A cette époque, la kasbah des Oudayas était assiégée depuis des mois. Toute la population avait le ventre vide et se contentait de l’eau de rares pluies. Une famille possédait un chat. Elle le cachait pour éviter qu’on ne le mange en tagine. Malgré la faim,  la famille épargna le chat. »
« A la fin du siège, pour les remercier, le chat leur indiqua l’endroit d’un trésor puis disparut. La famille devint riche et fit installer à l’entrée de sa maison un portrait en zelliges de l’animal. La demeure fut nommée Dar Baraka, la maison de la chance. »

Page 9 (Recto) Case BD. Descriptif :
En arrière du groupe, le chien regardant devant lui le carrelage s’exclama : « Mais il n’y en a que pour les chats, dans cette ville ! » Une voix venant en hauteur de derrière lui, hors cadre : « Détrompe-toi, l’ami ! »

Page 10 (Verso)  Case BD. Descriptif :
En plongée, vu de l’arrière d’un chat sur le rebord d’une terrasse. Sous lui, le chien qui le regarde, étonné. Les touristes  poursuivent leur chemin. Le chat dit : « Juste à côté de la Kasbah, existe un endroit qui est le paradis des chiens ! »

Page 11 (recto) Case BD. Descriptif :
Vu de dos, le chat poursuit son discours depuis son rebord de terrasse : « Tu ne sembles pas me croire, le klebs ! » Sous lui, sur le carrelage de la terrasse, de nombreux chats écoutant tout excités leur collègue. Certains sont au bord d’exploser de rire.

Page 12 (verso) Case BD. Descriptif :
Le chien lui répond : « En Europe, j’ai rencontré de nombreux chats, tu sais. A chaque fois, ils se sont moqués de moi ! Tu ne dois être guère différent !  Laisse-moi tranquille ! Je dois retrouver rapidement mon hôtel. Mon maitre doit s’inquiéter ! » Depuis le haut du mur, le chat lui répond : « Ecoute, l’étranger, laisse-moi te prouver ma bonne foi ! Je t’aiderai ensuite à retrouver ton maître ! »

Page 13 (recto) Case BD. Descriptif :
De profil. Le chat avance sur le rebord de terrasse, suivi par le chien dans la rue. Ils remontent  la rue principale. Le chat dit : « Suis-moi, l’ami et écoute cette histoire ! Il y a très longtemps, l’endroit où nous nous trouvons était encore sauvage. Un prince de passage dans la région poursuivait une antilope qu’il venait de toucher d’une flèche. La traque au travers d’épais fourrés était difficile. »

Page 14 (verso) Deux illustrations. Dans le style illustration de conte du moyen âge. « Alors qu’il allait rejoindre l’animal blessé, un chien efflanqué se présenta soudain devant son cheval. Il aboyait et grognait, semblant vouloir s’opposer à leur passage. » « Le cavalier contourna l’animal et poursuivit la traque. Des nombreuses traces de sang sur le sol lui indiquaient que sa proie était proche. »

Page 15 (recto) Deux illustrations. Dans le style illustration de conte du moyen âge. « Un peu plus loin, le prince surprit soudain une panthère noire qui venait d’achever l’antilope. Le cheval apeuré se cabra et projeta le cavalier au sol. » «  Alors que la panthère allait fondre sur l’humain terrorisé, le chien vint soudain s’interposer entre eux. Le combat fut titanesque et, sous les yeux ébahis du prince, le valeureux chien fit s’enfuir le fauve. »

Page 16 (verso) Case BD. Descriptif :
Vus de trois quart, sur fond de portes principales, le chat et le chien côte à côte sortent de la forteresse, sous les regards amusés des passants. Le chat termine son histoire : « Le chien a ensuite mystérieusement disparu. Pour le remercier, le prince fit ensuite apporter chaque jour à  cet endroit de la nourriture.  Mais, hélas, le chien ne revint jamais ! »

 Page 17 (recto) Case BD. Descriptif :
De profil,  le chat et le chien avancent, côte à côte. Derrière eux, Rabat s’étale. Le chat poursuit : « La tradition s’est perpétuée. De nos jours, des Rabatis viennent encore  apporter de la viande et des os sur cette colline qui se trouve juste devant nous. Il paraît que cela porte bonheur !  C’est derrière le mur, de l’autre côté de la route ! »

Page 18 (verso ) Case BD. Descriptif :
 Vu de face, le chat et le chien assis sur un mur blanc. Le chat est à gauche : « Avec le temps, pour éviter les charognards et les mauvaises odeurs, les hommes ont pris l’habitude d’enterrer cette nourriture. » Le chien humant l’air dit « Drôle d’endroit ! Effectivement, mon odorat me signale la présence de nombreux os mais plutôt vieux ! »

Page 19 (recto) Case BD. Descriptif :
 Même plan que la page précédente. Le chat dit : « Regarde là bas ! Des humains qui finissent de reboucher un trou ! Va vite et tu trouveras de la nourriture fraîche ! Ensuite, tu me décriras l’hôtel de ton maître et je t’y amènerai ! » Le chien descend vers le sol en disant : « J’y vais de ce pas ! »

Pages 20 et 21 Case BD sur les deux pages. Descriptif :
Sur fond des remparts  des Oudayas, le mur des pages précédentes sur lequel se sont postés de nombreux chats. Ils regardent au loin le chien se faire tabasser par les fossoyeurs. Au premier plan, des tombes du cimetière Al Alou. Chaque chat y va de son commentaire (Dans le ciel, une succession de bulles).
-        Oups, le méchant coup de pelle !
-        Je ne voudrais pas être à sa place, le pauvre !
-        Habituellement, on se contente de dire au toutou qu’il y a une distribution gratuite de viande au snack pour le faire déguerpir. Mais là, tu as fait fort !
-        Je lui avais bien dit que le paradis des chiens est ici ! (paroles du personnage principal) Il n'en est plus très loin !
-        En plus d’être si serviles avec les hommes, qu’ils sont naïfs, ces klebs !
-        Ca y est ! Il a réussi à s’enfuir ! Voilà de nouveau un chien que l’on ne reverra pas de si tôt aux Oudayas.
Femmes au cimetière Al Alou (Buzon)